ANGÈLE DIABANG

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ANGÈLE DIABANG

LE QUOTIDIEN
11/08/09

Dans le cadre du Cycle Femmes et Cinéma, les documentaires réalisés par Angèle Diabang seront rediffusés au Centre culturel français de Dakar, aujourd’hui et demain. Il s’agit de Waliden, Mon Beau Sourire, Yandé Codou griotte de Senghor. Une occasion pour aller à la rencontre de cette jeune cinéaste sénégalaise, d’un dynamisme hors du commun, qui ambitionne de révolutionner les traditions par sa modernité.

Une volonté de fer pour un autre regard sur l’Afrique
Par Laure SIZAIRE(mardi 11-08-2009 )

Un regard neuf. Faire évoluer les regards portés sur le Sénégal et l’Afrique en général, c’est le désir et la réalisation de Angèle Diabang. Depuis toujours curieuse et captivée par l’image, elle nourrit un rêve, alimente un désir : une carrière cinématographique. Ce désir restera rêve jusqu’à la rencontre d’un photographe professionnel qui, un jour, lui prodigue un cours sur la réalisation cinématographique, étape par étape. Angèle, qui était alors modèle, deviendra créatrice à son tour en passant derrière l’objectif.

Après avoir arrêté ses études de droit, Angèle suit un stage de montage au Centre culturel français (Ccf) sous la direction de Pape Gora Seck en 2000 tout en commençant sa vie professionnelle en tant qu’assistante de direction. Ce stage l’orientera vers sa formation principale : réalisation audiovisuelle au Média centre de Dakar. Elle passe le concours en 2003, et entame une formation de 10 mois orientée sur le documentaire. Commence ensuite le début de sa carrière professionnelle avec deux postes de monteuse. Travaillant sur des clips et des pubs, elle acquiert de l’expérience, met en pratique ses connaissances et prend confiance en son talent. Elle est prise dans une résidence d’écriture documentaire au sein d’Africadoc et par ses propres moyens, elle réalise alors son premier court métrage : Mon Beau Sourire (2005). «C’était d’abord pour moi : un test. En tant que monteuse, je me suis amusée.»

Seulement un «test» et pourtant ce court métrage, le premier de Angèle Diabang, fera le tour du monde. Son formateur a, heureusement, encouragé la jeune réalisatrice à le présenter au festival documentaire des Etats généraux de Lussas où il sera accueilli avec succès. S’ensuivent d’autres propositions de projections en festival. La démarche cinématographique de Angèle est de montrer les traditions africaines avec un regard nouveau et non «accusateur».

Mon Beau Sourire immerge le spectateur dans le rituel du tatouage des gencives, une tradition qui fut obligatoire mais existe maintenant tel un phénomène de mode. Grâce à sa créativité, Angèle casse l’image négative qui entoure certains rituels et montre à travers un regard moderne, l’état actuel de cette tradition. «Souffrir pour être belle», c’est l’objet de ce court-métrage, le tatouage des gencives est effectué sur un rythme endiablé de djembés, chaque aiguille est alors une secousse pour le spectateur qui, oppressé, attend impatiemment la fin de la séance. Et quand celle-ci se termine, c’est avec soulagement et satisfaction qu’il découvre de beaux sourires dont la blancheur des dents éclate, contrastant avec le noir des gencives. 

Une performance de modernisme et de créativité est concentrée dans ce premier court-métrage. Alors, la carrière de l’artiste s’accélère et dès 2006, Angèle Diabang ouvre sa propre agence de production Karoninka. Sa première production et son second film: Sénégalaises et Islam (2006) produit avec le Goethe Institut de Dakar. Un documentaire qui laisse la parole aux musulmanes sénégalaises s’exprimant sur la prière, la charia, le voile ou encore le terrorisme. Une fois encore Angèle s’est montrée déterminée face à des femmes qui ont souvent choisi de se désister en raison de pressions familiales. En effet, la cinéaste possède une qualité indéniable : sa persévérance. Si pour ce documentaire elle en a fait preuve, son dernier film en est la consécration.

D’ailleurs, dit-elle, «Yandé Codou a testé ma ténacité au fil de toutes ces années où je l’ai côtoyée». Symbole de la volonté et de la ténacité de Angèle Diabang Brener, Yandé Codou, la griotte de Senghor s’est réalisé sur quatre années de 2004 à 2008. Malgré tous les obstacles rencontrés, elle s’est accrochée et a fini par réaliser son documentaire qui met en scène cette grande dame à travers son quotidien. Le choix cinématographique «intimiste» permet une approche personnelle de Yandé, griotte de Léopold Sédar Senghor. Nous découvrons alors le devenir de cette femme légendaire et des traits de sa personnalité qui auraient pu rester inconnu à tout jamais si Angèle n’avait pas persévéré et insisté pour pouvoir réaliser son documentaire. Dans un désir de transmission, la cinéaste offre un héritage historique avec Yandé Codou, un regard nouveau sur l’Afrique avec Mon Beau Sourire et une meilleure compréhension de l’Islam avec Sénégalaises et Islam mais elle ne s’arrête pas là.

«Je pense qu’il est important, aujourd’hui, alors que le continent bouge et se trouve en émulation, de montrer ce que notre Afrique a de meilleur, avec un regard moderne, mais aussi en sachant être dur avec elle quand il le faut.» Angèle désire révolutionner l’image de l’Afrique tout en secouant cette dernière quand cela est nécessaire. Waliden (enfant d’autrui), un film documentaire malien produit par Karoninka, illustre cette démarche. Le sujet : l’adoption traditionnelle au Mali vue par une réalisatrice malienne elle-même passée par ce système d’adoption. Le documentaire dénonce les préjudices qui peuvent découler de cette pratique telle que la maltraitance. Angèle Diabang, cinéaste documentariste, met sa créativité au service d’une meilleure connaissance de l’Afrique, de «notre Afrique», moins clichée, plus réaliste.

 


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Caroline Leroy
Le Palmarès du Festival Doc En Cours
Le 06 et 09 Octobre 2005, Lyon

LE PRIX GRAINE DE DOC : Le jury a souhaité mettre en lumière le talent émergeant et indéniable de la cinéaste sénégalaise Angèle Diabang pour Mon beau sourire. Ce film court relate la séance de tatouage de la gencive supérieure d’une jeune femme, au Sénégal. Il s’agit de donner à voir cette séance sans pour autant que le spectateur puisse connaître l’opinion de la cinéaste. Très englués dans les présupposés occidentaux, les spectateurs européens ont tendance à imaginer que le film est une pratique de dénonciation. Cependant, la situation s’éclaire au contact de la cinéaste, très émue par l’attention que le jury et les spectateurs portent à son film. En aparté, on découvre que la jeune femme tatouée est en fait la cinéaste elle-même. Ce tatouage est souhaité et est comme la preuve d’un attachement supplémentaire à sa culture. Cette tradition maintenant non obligatoire dans les pays de l’Afrique de l’Ouest n’en est pas moins un phénomène de mode. Angèle aborde donc son sourire telle une appartenance et un élément esthétique supplémentaire telle une Européenne affichant un tatouage sur le corps.


CLAP NOIR

La surprenante Angele Diabang signe avec Mon beau sourireun film de cinq minutes, un petit bijou de rythme, de montage, d’efficacité et d’audace formelle. Monteuse de clips de profession, la réalisatrice a su utiliser pleinement le son des sabars sénégalais pour rythmer un film qui pourrait sembler un exercice de style, sur un thème classique, le tatouage des gencives chez les femmes sénégalaises. En fait, en très peu de temps, avec très peu de commentaires, le film dit tout : souffrir pour être belle, la domination des mères sur leurs filles, le poids des traditions. Un travail intelligent et prometteur


FESTIVAL PANAFRICAIN DE CANNES

On découvre aussi des talents moins souvent programmés, comme Owell Brown, Fernand Prince, comédien- réalisateur du marrant « putain de répondeur » (1997). On retrouve aussi avec plaisir le merveilleux petit opus de la Sénégalaise Angele Diabang, « Mon beau sourire », cinq minutes de plaisir filmique et de jeu de montage sur le thème du tatouage des gencives.


AFRICULTURES

Dans le magnifique Kodou, un des plus beaux films du répertoire noir-africain, le Sénégalais Ababacar Samb Makharam montrait en 1971 une jeune fille devenant folle à la suite de son rejet par la communauté villageoise pour n’avoir pas supporté la douleur lors du tatouage initiatique des lèvres. C’est sur le rituel du tatouage des gencives que revient Angèle Diabang Brener, mais en en renouvelant radicalement l’écriture avec une impressionnante maîtrise.

Des aiguilles sont préparées, des tissus étendus et le tatouage est préparé en silence. Et soudain tout s’emballe : sur le rythme effréné de djembés endiablés et d’un montage très serré multipliant les plans, le tatouage se fait en une symphonie de couleurs et de gestes, renversant l’image douloureuse que l’on en a. L’humour n’est pas absent, et pourtant la chose fait mal, à tel point que l’actrice qui s’était dévouée ne put supporter la douleur et se retira en cours de tournage malgré les enjeux. Angèle dut la remplacer au pied levé, belle métaphore pour cette cinématographie condamnée au courage pour exister.

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