SÉNÉGALAISES & ISLAM

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SÉNÉGALAISES & ISLAM

TERANGAInterview de Céline Cachat

Après « Mon beau sourire » (2005), un premier documentaire sur une coutume d’Afrique de l’Ouest qui consiste à tatouer les gencives des femmes, Angèle Diabang, jeune réalisatrice sénégalaise, s’est à nouveau fait remarquer cette année avec « Sénégalaises et Islam » et n’est pas prête de s’arrêter en si bon chemin. Elle continue sur sa lancée en préparant un film de fiction, dont elle ne révèle pas encore le sujet, et un documentaire sur la griotte du Président Senghor…

Avec « Sénégalaises et Islam », vouliez-vous vous inscrire dans la continuité de « Mon beau sourire » avec le statut des femmes au Sénégal, ou aborder un nouveau thème, celui de l’Islam ?

Pour moi, le thème de la femme est un hasard. Dans « Mon beau sourire », je voulais parler d’une tradition africaine d’une façon moderne. En général, on classe les traditions comme archaïques, mais tout dépend de la façon dont on les montre. Quant à « Sénégalaises et Islam », c’est la directrice de l’Institut Goethe de Dakar qui, en discutant de la charia, m’a proposé de faire un film sur les femmes, ça m’a tout de suite intéressée.

Pourquoi donner la parole aux femmes ?

La plupart des interdictions dans l’Islam sont faites aux femmes. Je voulais savoir ce qu’elles pensent de la pratique de l’Islam et quelle place elles s’attribuent dans la religion. Au Sénégal, il y a 95 % de musulmans et seuls les hommes prêchent. C’était donc un défi de donner aussi la parole aux femmes.

Vous avez souvent exprimé votre choix de la neutralité : est-ce plus important que la volonté de soulever les débats et de renverser les clichés ?

Dans plusieurs festivals, on m’a reproché ma trop grande objectivité. Mais le but de mon dernier film est de donner la parole à ceux qui en général ne l’ont pas, mon avis n’importe pas. Je voulais aussi bien sûr créer un débat, et le but a été atteint. Quand le film est passé au Sénégal, il y a eu beaucoup de débats et d’articles, surtout sur le dialogue islamochrétien. En Europe, les réactions ont plutôt concerné la liberté de la femme : les gens étaient étonnés de voir que la femme ose donner son avis dans un pays africain et musulman, ce qui montre bien les clichés que l’on peut avoir sur l’Afrique…

Pourquoi ce choix du documentaire plutôt que de la fiction ?

J’ai fait une école de cinéma où la formation était surtout orientée vers le documentaire. C’était donc pour moi le meilleur moyen de commencer dans le métier. Et puis j’ai envie de faire de la fiction, mais je finirai sûrement par le documentaire, non pas pour dénoncer ce qui ne va pas dans la société et pointer du doigt certaines choses, mais pour montrer les bons côtés de l’Afrique, ses aspects culturels positifs, en allant droit au but.

Quelles sont les principales difficultés que vous pouvez rencontrer en tant que jeune réalisatrice ?

Les mêmes que chacun rencontre à ses débuts dans le métier. Des problèmes de fi nancement d’abord. Il a aussi fallu m’imposer parmi ceux qui étaient là depuis longtemps. J’ai essayé de rencontrer des réalisateurs que j’admirais : certains m’ont encouragée à continuer, et beaucoup m’ont ignorée. Mais cela m’a endurcie et a confirmé ma détermination à continuer.

Quelle image souhaitez-vous donner de votre pays et de votre culture ?

La meilleure image possible est celle que les Africains eux mêmes donnent de leur continent et de leur culture… Depuis toujours, ce sont les autres qui viennent d’Europe ou d’Amérique pour filmer notre continent avec leur propre regard. Il est important que nous, Africains, nous prenions en main notre image et que nous montrions notre Afrique, une Afrique positive.
Une journaliste me reproche de n’avoir montré dans « Sénégalaises et Islam » que des femmes qui ont été à l’école, qui ont un certain niveau, et elle me demande où est la femme rurale, inculte… On ne veut voir que cette partie-là de l’Afrique ! Il y a le Sénégal d’aujourd’hui, le Dakar qui bouge, les filles ont été à l’école, elles savent réfléchir et s’exprimer. Je veux montrer l’Afrique qui bouge !

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