Mamadou Oumar KAMARA (Sénégal): 3ème Prix du concours panafricain de critique d’art 2020

Mamadou Oumar KAMARA (Sénégal): 3ème Prix du concours panafricain de critique d’art 2020

« Un air de Kora » d’Angèle Diabang : une cohésion fragile

Sans totalement renier les codes qui font les coutumes et leur sacralité, on on se demande bien pourquoi la femme ne devrait-elle pas manier la kora. L’incohérence de cette mesure coutumière est aussi attestée par les succès de musiciennes telles Sona Jobarteh (compositrice, chanteuse et instrumentaliste d’origine gambienne et anglaise. Elle est la première femme joueuse de kora) et Sophie Lukacs (cette originaire de Budapest, résidant à Bamako, qui manie à merveille la kora.). Plus généralement, on se demande pourquoi, simplement, on prive la femme de la pleine manœuvre de son intelligence et de sa passion. “Un air de kora” apparaît ainsi comme une continuité des précédents films de la réalisatrice à la suite des documentaires «Sénégalaises et islam » (2007) – où des femmes donnent leurs avis sur l’image de l’Islam dans le monde, le voile, la charia, les extrémistes… – et « Mon beau sourire » réalisé en 2005 – qui revient sur une pratique traditionnelle le tatouage de la gencive répandue en Afrique de l’Ouest. Toutes ces réalisations s’intéressent à la condition féminine…

Sauf qu’avec “Un air de kora”, la femme s’exprime par ses passions et non par les mots. La réplique du moine d’origine européenne s’exprimant après le regret de Salma d’avoir joué à la kora, «ne vous excusez pas d’être divine», a traduit toute une symbolique. C’est connu, c’est toujours un élément étranger qui encourage l’opposition. Cette onction pour Salma, actrice principale du film, membre d’une famille griotte virtuose de la kora et la présentation au frère Manuel un moine de l’Abblaye de Keur Moussa à 50 kilomètres de Dakar pour  apprendre les rudiments de la kora vont d’ailleurs déclencher le bouleversement.

Ce qui devait être un stage de perfectionnement va devenir un prétexte pour briser la glace et tisser des intimités. La relation entre Salma et
Frère Manuel est marquée au début par une grande gêne, de la peur, de la distance, de la politesse. De l’hésitation et de l’observation, donc. Comme se préparent les révolutions et les tempêtes sociales. Cette retenue s’explique par le caractère des deux personnages. Salma, jeune musulmane voilée et Frère Manuel, jeune moine, qui a donc fait vœu de chasteté. L’ordre religieux bannit leur idylle, l’ordre social aussi.

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